lundi 15 juin 2009

VOYAGE AU BOUT DE MA RUE

Ma routine du matin a changé depuis que mon estomac s'est révolté contre le piment indien. Il est devenu timide et j'évite en ce moment de le confronter de si bon matin avec les chutneys délicieusement explosifs de Madame Simone. En ce moment, au grand dam de "Momone" qui croit que je n'aime plus sa cuisine, je me "contente" d'une baguette bien croustillante avec du thon, un oeuf dur et quand même, parfois, un peu de chutney de coco pour remplacer le beurre.

Pour aller chercher mon pain, je pars tous les matins vers 6H30 car plus tard, il fait bien trop chaud pour pouvoir marcher. Lorsque j'ouvre ma porte je trouve les trois voitures de police entourées d'une nuée de policiers qui se racontent leurs missions de la nuit. Ils adorent Bonnie et jouent avec elle tandis que je leur demande comment s'est passé leur nuit. Je dois leur consacrer cinq bonnes minutes, sans quoi ils semblent ne pas être contents quand je m'éloigne. Trois voitures de flics pour surveiller mes nuits c'est précieux. Alors je fais amie amis avec eux. Pourtant je peux vous assurer qu'ils devraient entendre les gargouillements de faim de mon estomac révolté et me laisser partir plus vite!

Le long du premier mur sur ma gauche, il y a un grand tas de noix de cocos vides. Depuis deux mois qu'il est là, il ne grandit pas mais ne diminue pas non plus. Les femmes qui nettoient les rues de Pondi avec leur balai de palmes ne semblent pas venir dans cette rue. Ou alors elles trouvent que ce tas de coco est bien joli et décore le mur jaune du terrain vague qui est derrière.

Juste après le premier croisement, sur la droite, il y a la fabrique de cercueils. A cette heure ci les ouvriers ne travaillent encore pas ce qui m'évite de passer au milieu des "boites" en métal ou en bois qu'ils laissent traîner le long des trottoirs. Ce n'est pas forcément la première chose que j'ai envie de côtoyer à chacun de mes débuts de journée.

Ensuite la rue s'élargit et j'arrive à la "salle de bains" en plein air. Tout d'abord, sur ma droite, il y a une petite cahute faite de planches branlantes avec, devant la porte d'entrée, une vieille table en bois brut pour mettre la caisse de recette: ce sont les toilettes municipales. Les planches laissent passer les odeurs... Heureusement qu'à cette heure matinale, quand je passe devant, la température est raisonnable, donc l'odeur aussi. Ensuite j'atteins LE robinet public. Toute la journée, les indiens viennent s'y laver, faire le plein d'eau pour la maison, laver leur linge ou bien même les casseroles des cuisines ambulantes que je vois le long des rues plus passantes. L'activité autour de ce point d'eau est toujours impressionante: des enfants s'amusent tous nus, les chiens viennent se rafraîchir, les femmes y laver leurs cheveux... Une vieille cuisine ambulante a été abandonnée le long du mur juste après la "salle de bains".

La peinture de la majorité des maisons est "pastel" car complètement délavée mais il y en a certaines qui n'hésitent pas à clamer haut et fort que nous sommes... en Inde, pays haut en couleurs!


Sur la droite une maison est en chantier. Et tous les matins mon odorat est agréablement chatouillé par des odeurs d'oignons frits. C'est une cuisine en plein air: la casserole est posée sur deux briques et chauffe sur de maigres bouts de bois. Je m'arrête discuter avec les ouvriers et je les regarde faire leur tambouille du matin. Après les oignons, du boeuf en morceaux (pas végétarien ça!) et des piments. Leur estomac est plus solide que le mien! J'apprends que le propriétaire est en train de refaire une maison pour le frère de mon propriétaire. La famille quoi!
Bonnie s'arrêterait volontiers plus longtemps mais je recommence à avoir faim. Allez la crevette on continue!

Presque à la fin de ma rue, il y a un parking, je dirais plutôt un cimetière à scooters. Sur le trottoir. Mais aucun de risque de PV... ni de vols d'ailleurs vu l'état des bestiaux.
Enfin j'arrive à mon coffee/chaï booth. Une gargotte qui fait du chaï délicieux. Je m'asseois pour le déguster: brûlant, sucré à souhait. J'allume une petite clope et je regarde autour de moi. Toutes les odeurs sont des images à elles seules. J'attends ainsi qu'il soit 7H car la boulangerie où je vais n'ouvre pas avant. Les passants me regardent d'un oeil amusé car je suis bien sûr la seule blanche qui ose s'aventurer à cette heure ci dans les rues désertes. Et qui boive dans des verres lavés et relavés dans la même bassine d'eau de 50 cl. Parfois les dames qui nettoient les rues nous forcent à nous lever et balayent en soulevant des montagnes de poussières. Je dois alors protèger mon verre avec ma main pour éviter d'y recevoir des hôtes indésirables.
Je prends à droite dans une plus grande avenue. Au carrefour de ma rue avec Lal Bahadur Shastri Sreet, la plaque n'est plus française mais carrément indienne teintée américaine. Dommage. je préfère celle que je vous ai montrée au début de ces posts.


Les voitures et les bus roulent comme des dingues dans cette rue. J'essaye de convaincre Bonnie de marcher sur les trottoirs mais entre les plaques d'entrée de parking, les trous dans les trottoirs, les marchandes mangue qui installent leur éventaire sur toute la largeur du trottoir, les vélos, les poubelles, les affiches arrachées... elle a beaucoup de mal à pouvoir y rester.

Bonnie ne s'en plaint pas. Elle adore l'Inde. A Los Angeles, aucun chien ne se promène en liberté. Il n'y a pratiquement pas d'odeurs. Alors qu'ici et bien pour elle c'est... DISNEY WORLD! Des dizaines de chiens, les vaches, les chèvres, les restes de repas... Et regardez la taille des cacas! Tous les jours c'est la fête!


Enfin j'arrive à ma destination finale : Baker Street. THE boulangerie in Pondi.
Lorsque j'arrive devant la devanture, il est toujours un peu trop tôt. 7H c'est l'heure d'ouverture officielle mais pas l'heure indienne. Alors je m'asseois sur les marches et j'attends la livraison des pains et des viennoiseries qui se fait... en rickshaw.


Ca valait la peine d'attendre non? Pour vous, cette photo vous parait bien naturelle mais je vous rappelle que je suis en INDE et pas à Paris!


Avec mon pain tout chaud, je refais le chemin inverse. La soupe des ouvriers sent de plus en plus bon, les fabricants de cercueils ont ouvert les rideaux de leur "usine" et les policiers se mettent en civil pour rentrer chez eux. Et moi je croque dans un crouton tout chaud.


Elle est pas belle la vie?






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